Ekonization: t-shirt, séléctioné au Prix Photoforum, Photoforum, 2019
Cette série photographique fait parti de la série d’expositions, Ekonization qui traite de la mémoire et la documentation d’un camp spontané de réfugiés en Grèce près de la localité de Polykastro, Eko camp, printemps 2016.
C’est par hasard que j’ai commencé à faire des photos de T-shirt que les réfugiés portaient. Au départ car l’un d’eux m’a semblé résumer l’absurdité de la situation : j’ai alors photographié le t-shirt sans montrer le visage de la personne qui le portait. Sur la photo, il est à peine possible de reconnaitre qu’il s’agit d’un camp. Suite à cette première photo, j’ai remarqué d’autre t-shirts similaires, provenant de plusieurs pays d’Europe, souvent humoristiques ou qui dans ce contexte le devenait. Les réfugiés que je photographiais ont commencé à me questionner sur cette collection et après leur avoir traduit certains t-shirts et leur avoir dit que peut-être ces slogans expliquaient l’histoire du camp, certains ont commencé à m’aider dans mes recherches ou venaient me voir lorsqu’ils avaient un nouveau t-shirt.
Le critère de sélection des t-shirts était d’abord son image/message imprimé et le contraste produit entre le message, le contexte et la situation de la personne qui le portait. L’ensemble raconte à la fois l’histoire de ces personnes et se démarque avec une certaine ironie : comme si ces t-shirts dégageaient de l’humour noir involontaire de la part des donneurs.
Le cadrage suit presque un protocole, définit par l’anonymat et la mise en valeur du message sur le t-shirt.
D’une certaine manière, cette démarche, commencée de manière très spontanée m’a permis par la suite de retrouver une certaine lucidité vis à vis de ce que j’étais en train de vivre et j’ai alors pu commencer à documenter d’autres aspects de la vie du camp.
Cette recherche documentaire a été fondamentale pour la réalisation d’une première exposition, qui retrace une partie de cette expérience et de la vie du camp, sans toutefois montrer une seule photo. (Ekonization, la rada, locarno, février 2017)
A ce jour, je n’ai jamais montré aucune image prise dans le camp de manière publique, je considère que le traitement photographique de ces évènements est déjà bien présent et souvent cela est fait dans une logique spectaculaire ou qui recherche l’émotion à tout prix.
Après une longue réflexion et à la vue de mes précédentes études sur la photographie documentaire, j’ai décidé de proposer ce travail, car je pense que cette collection de photographies de t-shirts, en plus de documenter une situation, porte une réflexion sur comment photographier et transmettre une telle situation.
Je considère aussi que cette collection de t-shirts ouvre une réflexion sur l’individualité et la masse, dans la mesure où le t-shirt peut-être considéré comme un moyen de se démarcation et d’identification. Dans le contexte du camp, il pose indirectement la question de l’individualité des personnes qui vivent dans ces conditions et qui sont habituellement identifiés comme une masse homogène.
